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Chroniques
Jacques Offenbach
Le Docteur Ox
De Jules Verne, les univers inquiétants (Voyage au centre de la terre, Les Indes noires, etc.) et les personnages torturées (Capitaine Nemo, Rodolphe de Gortz, Maître Zacharius, etc.) nous sont plus connus que sa veine humoristique, auto-parodique, voire franchement anarchiste. Nouvelle atypique d'abord parue dans la revue Musée des Familles (mars-mai 1872), puis en recueil (Le Docteur Ox, Hetzel, 1874), Une fantaisie du Docteur Ox nous entraîne à Quiquendone, paisible bourgade des Flandres dont les habitants imaginaires, « peut-être un peu lourds par le langage et l'esprit », semblent n'attendre que la mort. Chez le bourgmestre van Tricasse, l'intervention remuante d'une fausse bohémienne – en fait la princesse transcaucasienne Prescovia, venue récupérer son savant de fiancé – tranche avec des habitants mollassons, aux vêtements grisâtres et ridés comme des sharpei. Dans cet univers sans passions, une expérience malheureuse du docteur Ox – décrit comme un Danois venu offrir un éclairage communal au gaz oxy-hydrique – va réveiller les corps et les consciences, engendrant adultères et presse contestataire !
Cherchant à redorer son blason avec un auteur à la mode, Jacques Offenbach compose tout d'abord Voyage dans la lune – un opéra-féérie créé le 26 octobre 1875, au Théâtre de la Gaîté – avant de confier le présent livret à Arnold Mortier et Philippe Gille. Les répétitions débutent à la mi-novembre 1876, dans un climat tendu entre le compositeur et le directeur du Théâtre des Variétés qui ne croit plus en lui. Créé le 26 janvier 1877, l'opéra-bouffe en trois actes et six tableaux rencontre critiques et compliments, mais sans passer à la postérité, malgré une quarantaine de représentations. Pour sa saison 2002/2003, la Compagnie Les Brigands proposait donc la reprise d'un ouvrage n'ayant pas été joué depuis cent vingt-cinq ans.
Comme c'est souvent le cas dans une troupe, les voix sont assez inégales. L'on en retiendra celles des femmes, plus agiles que leurs partenaires masculins : Aurélia Legay (Prescovia ne manquant pas de couleur), Claire Delgado-Boge (Madame Tricasse, à la sympathique métamorphose), Emmanuelle Goizé (Ygène sexuellement troublée) et Karine Godefroy (Lotché). La lecture contrastée de Benjamin Levy souligne les différents climats de la partition, dont profite également Stéphan Druet en marquant bien les différentes étapes d'une révolution en marche, et Philippe Béziat, aux plans cinématographiques variés. Les amateurs de vaudeville et d'opérette y trouveront leur compte ; les autres, intéressés par l'ambiance symboliste du début, finiront par s'ennuyer.
LB